Imin’tanout & Seksawa : échanges et dépendance

Extrait de notes de terrain, septembre 2008…

En montant à Zenit, nous avons essuyé quelques averses, rien 3 gouttes, de quoi moucheter les tissus de nos vêtements. Dans le pickup, une dizaine d’hommes, jeunes et anciens, et 4 femmes âgées. L’une d’elle est malade. La route lui tourne la tête. Faut dire qu’elles sont toujours assises au fond des camionnettes, sur un sac de farine ou autres céréales, sur une caisse de carton, sur une bonbonne de gaz ou encore sur la roue de secours. Une position où elles ne voient pas la route, ce qui les rend malade bien sûr, contrairement aux hommes qui sont debout, amarrés aux bords du véhicule, l’autre main accrochée au voisin quand le pickup tangue un peu trop. Dans le pickup, les gens discutent et rient, mais je remarque que les femmes sont silencieuses. Le vent est fort et chacune avec la main, maintient un foulard qui lui cache une partie du visage, surtout la bouche. Nous nous arrêtons ici et là pour déposer nos compagnons de route. Tous étaient descendus à la ville de la plaine, Imin’tanoute, pour faire quelques courses : des aliments ou bien des matériaux pour les maisons. Ils remontent ainsi des fers à béton, du ciment, du bois ou bien encore des cuvettes de toilettes. La plupart des passagers descendent à Aït Moussa, de là chacun poursuivra sa route à pied jusqu’à son village, empruntant pour cela chemin ou piste de terre. Pour faire leurs courses à Imin’tanoute, il leur en coûte 10 DH par voyage. Cela compense largement le prix des aliments qu’ils auraient achetés au anout de leur village. Sur certains produits, le commerçant d’un anout peut presque doubler le prix d’achat à Imin’tanoute. Ici aussi la loi du marché fixe les prix. La différence se constate également avec les prix de vente au souk du dimanche d’Aït Moussa. Par ailleurs, si beaucoup de ces produits (outils, quincaillerie et surtout alimentaires) peuvent se trouver sur les deux marchés d’Imin’tanoute et d’Aït Moussa, ce n’est pas le cas des matériaux de construction, des services administratifs (photos, carte nationale, etc.) ou encore les vêtements et services de soins spécialisés. L’accès à ceux-ci nécessite que les villageois des Seksawa descendent à Imin’tanoute. Ainsi chaque jour, plusieurs camions ou pickup font ce trajet dans les deux sens. Il leur faut donc se poster sur le bord de la piste et attendre plus ou moins longtemps le passage d’un véhicule. Les habitants des Seksawa sont liés à cette ville et en sont dépendants. Elle est un centre pour le commerce, la santé, les écoles et les services de l’État. Ainsi pour la scolarité, au terme de leur 6ème année dans l’école du village, les enfants auxquels la famille aura permis de poursuivre des études devront aller continuer leur scolarité dans un collège ou lycée. Pour les enfants des Seksawa, ceux-ci sont à Imin’tanoute. Cette continuité sur le territoire du système d’éducation scolaire est plus théorique que réelle. En effet nous avons constaté que peu de garçons et moins de filles encore sont scolarisés à Imin’tanoute. À Lalla Aziza, tout juste fréquentent-ils régulièrement l’école. Certaines filles étant mises comme bonne dans une famille, en ville ou dans un autre village. Cela était le cas de la jeune fille qui aidait la maman chez Hadj Brèque Moustati, ou encore chez ses voisins et cousins, familles enrichies dans le commerce du tissu à Casablanca.

The URI to TrackBack this entry is: https://agoraformation.wordpress.com/2008/11/08/imintanoute-seksawa-echanges-et-dependance/trackback/

RSS feed for comments on this post.

Laisser un commentaire